Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/101

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actions. Dans toutes ces occasions, il passait la journée entière à l’ouverture de sa prison, écoutant les coups de fusil éloignés qui résonnaient dans la forêt ; et la seule fois qu’il laissa échapper un sourire pendant une si longue captivité, ce fut en examinant les yeux éteints et les griffes formidables d’une panthère qui était tombée sous les coups d’Ében Dudley pendant une de ces excursions sur les montagnes. Dans ce moment la compassion des habitants des frontières s’éleva fortement en faveur du jeune Indien, qui souffrait avec tant de patience et de dignité son emprisonnement, et ils lui auraient procuré avec joie le plaisir de la chasse, si ce désir n’eût pas présenté de si grands inconvénients ; Dudley l’eût volontiers conduit lui-même comme un chien en laisse, mais c’était une espèce de dégradation contre laquelle un jeune indien, ambitieux et jaloux du caractère et du titre de guerrier, se serait ouvertement révolte.

Ruth, observant le captif avec plus d’intérêt encore, comme on l’a déjà vu, avait découvert que son esprit commençait à s’éclairer. Les moyens par lesquels un enfant qui n’avait aucune part aux occupations, et qui semblait écouter rarement les conversations de famille, avait pu comprendre la signification d’un langage difficile aux écoliers eux-mêmes, lui paraissaient incompréhensibles, ainsi qu’aux autres colons. Cependant, à l’aide de ce tact qui si souvent instruit l’esprit des femmes, elle était certaine de ce fait. Profitant de cette connaissance, elle essaya d’obtenir de son protégé l’assurance qu’il reviendrait à la vallée vers la fin du jour si on lui permettait de se joindre aux chasseurs. Mais, quoique les paroles de Ruth fussent aussi douces que son caractère, et qu’elle mit tout son zèle à obtenir que le captif lui donnât une preuve qu’il la comprenait, elle n’obtint pas, dans cette occasion, le plus léger symptôme d’intelligence de son élève. Chagrine et trompée dans son attente, Ruth avait abandonné son louable dessein, lorsque tout à coup le vieux Puritain, qui avait été spectateur silencieux des inutiles efforts de sa fille, annonça sa confiance dans l’intégrité du jeune Indien et son intention de lui permettre de suivre la première chasse qui aurait lieu.

La cause de ce brusque changement dans la sévère vigilance qu’avait jusqu’alors exercée Mark Heathcote fut, comme la source de la plupart de ses actions, une secret qui resta renfermé dans son sein. On avait remarqué que, pendant la vaine expérience que Ruth avait tentée, le Puritain observait ses efforts avec