Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/141

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crois que nous aurons le temps de respirer avant que l’attaque se renouvelle. La prudence nous fait un devoir de connaître le nombre de nos ennemis et leur position, afin de disposer suivant leur force nos moyens de résistance.

— De quelle manière pourrons-nous y parvenir ? répondit Dudley ; tu ne peux plus rien voir autour de nous que la tranquillité et les ténèbres de la nuit. Connaître le nombre de nos ennemis, c’est impossible ; faire une sortie, nous ne le pouvons pas sans envoyer à une mort certaine tous ceux qui quitteront les palissades.

— Tu oublies que nous avons un otage dans le jeune Indien. Nous pouvons en tirer parti, si nous usons avec prudence du pouvoir que nous avons sur sa personne.

— Je crois que tu te flattes d’une vaine espérance, reprit Content se dirigeant néanmoins, tout en parlant, vers la cour qui communiquait au principal bâtiment. J’ai profondément étudié le regard, l’expression de l’Indien depuis son étrange arrivée dans l’habitation, et j’y ai vu peu de chose qui puisse nous engager à avoir confiance en lui. Il serait heureux que quelque intelligence secrète avec ceux du dehors ne lui eût point fait franchir les fortifications ce soir, et qu’il ne fût pas un dangereux espion, comme témoin de notre force et de nos mouvements.

— En ce qui concerne son entrée dans l’habitation sans avoir fait entendre le son de la conque ou sans le secours de la poterne, ne vous inquiétez pas, reprit l’étranger avec calme. Si cela est nécessaire, ce mystère pourrait être facilement expliqué. Mais il faut user de toute notre sagacité pour découvrir s’il a quelque intelligence avec nos ennemis. L’esprit d’un Indien ne trahit pas ses secrets comme la surface d’un miroir.

L’étranger parlait comme un homme qui gardait dans son cœur une partie de ses pensées, et son compagnon écoutait comme une personne qui en comprend plus qu’il ne lui semble convenable de le montrer. En terminant cette conversation équivoque, ils entrèrent dans la maison, et se trouvèrent en présence de toute la famille réunie.

Le danger continuel auquel l’existence était exposée sur les frontières avait habitué la famille à un ordre méthodique et régulier de défense. Des devoirs étaient assignés en cas d’alarme aux corps les plus délicats, aux cœurs les plus faibles, et avant l’arrivée de son mari, Ruth avait imposé aux femmes qui étaient