Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/147

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qui avait montré tant de bonté au captif dans toutes les occasions, et Ruth interposa la sienne entre l’Indien et l’étranger, avec toute la vivacité que lui donnait la sollicitude maternelle.

— Laissez le jeune garçon partir, dit-elle, je lui servirai de caution ; et s’il manquait à sa parole, son absence serait moins à craindre que sa présence.

La vérité de ce dernier raisonnement eut probablement plus de poids aux yeux de l’étranger que le gage qui était offert.

— Il y a de la raison dans ce que vous dites, reprit-il. Va dans les champs alors, et dis aux gens de la tribu qu’ils se sont trompés de chemin ; que celui où ils sont les conduit à la maison d’un ami. Il n’y a point ici de Pequots ni des hommes du Manhattœs, mais des chrétiens yengeeses qui se conduisent depuis longtemps avec des Indiens comme un homme juste doit se conduire avec un autre. Va, et lorsque tu feras entendre un signal à la porte, elle te sera ouverte.

En disant ces mots, l’étranger fit signe à l’Indien de le suivre, prenant soin, en quittant la chambre, de l’instruire de tout ce qui pouvait l’aider à effectuer sa mission pacifique.

Quelques minutes de doute et d’une incertitude pénible suivirent cette expérience ; l’étranger, après s’être assuré qu’on avait permis à son messager de sortir, rejoignit ses compagnons. Il se promena dans la chambre comme un homme profondément préoccupé ; quelquefois le bruit de ses pas lourds était interrompu, et alors chacun écoutait, afin de pouvoir deviner ce qui se passait au dehors. Au milieu d’une de ces pauses, un hurlement, qui ressemblait au cri de joie des sauvages, s’éleva dans les champs ; il fut suivi de ce calme solennel qui, depuis l’attaque passagère, avait été plus alarmant qu’un danger plus positif et mieux connu ; mais toute l’attention que pouvait donner l’anxiété ne permit pas d’entendre d’autres sons. Pendant quelques minutes, la tranquillité de la nuit reprit son cours dans l’intérieur des palissades et en dehors ; dans ce moment d’incertitude, le loquet de la porte fut levé, et le messager traversa la chambre avec ce pas léger et ce maintien calme qui distinguent le peuple de sa race.

— Tu as rencontré les guerriers de ta tribu ? demanda précipitamment l’étranger.

— Le bruit n’a pas trompé les Yengeeses, ce n’était pas une fille riant dans les bois.

— Et tu as dit à ta tribu que nous étions amis ?