Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/165

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Dieu, madame Heathcote, que nous puissions entendre les cris du bruyant Dudley ; ces cris iraient au cœur dans un moment terrible comme celui-ci.

— Lève ce linge, dit Ruth avec un calme solennel, afin que nous puissions voir quel est celui de nos amis qui vient d’être appelé devant le souverain juge.

Foi hésita ; et lorsque, par un puissant effort dans lequel les intérêts de son cœur avaient autant d’influence que la soumission, elle obéit, ce fut avec une résolution inspirée par le désespoir. Lorsque le linge fut levé, les yeux des deux femmes s’arrêtèrent sur le pâle visage d’un jeune homme qui avait été percé d’une flèche à tête de fer. Foi laissa tomber le drap, et s’écria dans une agitation convulsive :

— Ce n’est que le jeune homme qui vint le dernier parmi nous ! la Providence nous a épargné le chagrin de pleurer un ancien ami.

— C’est un homme qui mourut pour nous défendre, répondit Ruth ; je donnerais une grande partie des biens de ce monde pour qu’une telle calamité ne fût pas arrivée, ou qu’il eût eu plus de temps pour se préparer à rendre compte de sa vie. Mais il ne faut pas perdre de précieux moments dans la douleur. Hâte-toi, jeune fille, sonne l’alarme, qu’on apprenne qu’un sauvage est caché dans l’intérieur de nos murailles, et qu’il cherche à porter un coup fatal. Recommande à chacun d’être prudent ; si le jeune Mark se trouve sur ton chemin, parle-lui deux fois du danger. Cet enfant est étourdi et téméraire, il ne ferait peut-être pas attention à des paroles qui seraient prononcées avec trop de précipitation.

Après avoir donné ces ordres, Ruth quitta la servante ; et tandis que cette dernière allait donner les avertissements nécessaires, la maîtresse de la maison se dirigeait vers le lieu où elle devait trouver son mari.

Content et l’étranger se consultaient en effet sur la destruction qui menaçait leurs derniers et leurs plus importants moyens de défense. Les sauvages eux-mêmes semblaient convaincus que les flammes travaillaient pour eux ; leurs efforts se ralentissaient insensiblement ; et ayant beaucoup souffert dans leurs tentatives contre la garnison, ils s’étaient réfugiés sous leurs abris, et ils attendaient le moment où leur finesse exercée les avertirait qu’ils pouvaient recommencer l’attaque avec plus d’espérance de succès. Une courte explication servit à faire connaître à Ruth tout le danger qui menaçait la garnison. Égarée par la crainte, elle per-