Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/185

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nimoh, cherchant quelque triste souvenir de ceux avec lesquels il avait vécu si longtemps en paix, sinon heureux.

Une personne instruite dans l’histoire des passions du sauvage aurait deviné ce qui se passait dans l’esprit du jeune homme. Son œil noir errait sur les fragments épars, et semblait chercher quelque vestige d’un corps humain. Mais le feu avait tout dévoré avec trop d’ardeur pour qu’il restât aucun vestige de sa furie. Un objet ressemblant à ce qu’il cherchait s’offrit aux regards de l’Indien, et, s’avançant vers le lieu où il reposait, il retira des tisons l’os d’un bras vigoureux. Dans ce moment, l’éclat de ses yeux annonçait la joie d’un sauvage dans sa vengeance ; mais de plus douces pensées remplacèrent bientôt ce sentiment cruel et la haine qu’il avait vouée dès son enfance à un peuple qui chassait peu à peu sa race de la surface du globe. Les restes humains s’échappèrent de ses doigts ; et si Ruth avait été témoin du nuage de mélancolie qui se répandit sur les traits sombres de l’Indien, elle aurait trouvé un moment de consolation dans la certitude que toute sa bonté n’avait point été perdue.

Au regret succéda bientôt un mouvement d’effroi. Il semblait à l’imagination de l’Indien entendre autour de lui une voix comme celle qui, suivant sa croyance, s’élevait du sein des tombeaux. Avançant la tête, il écouta avec toute la subtilité d’ouïe d’un Indien, et il lui sembla qu’il entendait encore la voix à demi étouffée de Mark Heathcote, adressant ses prières au dieu des chrétiens. Le pinceau d’un peintre grec aurait aimé à tracer les attitudes diverses de l’Indien étonné, lorsqu’il s’éloigna lentement et avec respect de ce triste lieu. Ses regards étaient arrêtés fixement sur l’espace vide où l’on voyait naguère les étages supérieurs de la forteresse, et où il avait entendu la famille, pour la dernière fois, demander dans son malheur le secours de son Dieu. L’imagination lui montrait les victimes au milieu des flammes. Pendant une minute encore, il s’arrêta, croyant voir sans doute quelque apparition de visages pâles ; puis alors, d’un air de méditation et les regards émus, il se dirigea légèrement vers le sentier qu’avait suivi son peuple. Lorsqu’il eut atteint les limites de la forêt, il s’arrêta encore ; et, jetant un dernier regard sur un lieu où le hasard l’avait rendu témoin de tant de bonheur domestique et de malheurs si soudains, il s’avança précipitamment dans l’obscurité de ses forêts natales.

La vengeance des sauvages semblait complète. Une nouvelle