Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/190

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ombre glisser lentement vers la tombe entr’ouverte, emblème de cet oubli où ses modestes habitants allaient bientôt être ensevelis.

Mark Heathcote et ses compagnons s’étaient assemblés dans ce lieu. Une chaise de chêne sauvée des flammes était occupée par le vieillard, et deux bancs parallèles, formés par des planches posées sur des pierres, contenaient le reste de la famille. La tombe était entre eux. Le patriarche s’était placé à l’une des extrémités, tandis que étranger dont nous avons si souvent fait mention était en face du vieillard, debout, l’air pensif, et les bras croisés sur sa poitrine. La bride d’un cheval, caparaçonné de cette manière imparfaite que nécessitent les moyens bornés des habitants des frontières, était passée à une des palissades à demi brûlée sur le dernier plan.

— Une main juste mais miséricordieuse s’est appesantie sur ma demeure, dit le vieux Puritain avec le calme d’un homme qui depuis longtemps était habitué à maîtriser ses regrets par l’humilité ; celui dont la bonté nous avait comblés de biens les a retirés ; celui qui souriait à ma faiblesse s’est voilé la face dans sa colère. Je l’ai connu et béni dans ses dons ; il est juste que je le voie dans son déplaisir. Un cœur trop confiant dans le bien qu’on répand sur lui se serait endurci dans l’orgueil ; qu’aucun homme ne murmure des maux qui sont tombés sur nous ; qu’aucun n’imite celle qui disait avec folie : Quoi ! recevrons-nous des biens de la main de Dieu, et n’en recevrons-nous pas des maux ? Je voudrais que les faibles d’esprit dans le monde, ceux qui hasardent le salut de leur âme pour des vanités, ceux qui regardent avec mépris l’indigence de la chair, pussent contempler les richesses du vrai croyant ferme dans la foi ; je voudrais qu’ils pussent connaître les consolations du juste, que la voix de la reconnaissance fût entendue dans les déserts. Que la bouche s’ouvre pour chanter des louanges, afin que la gratitude d’un pénitent ne soit pas cachée.

Lorsque la voix du vieux Puritain cessa de se faire entendre, son œil morne et sévère s’arrêta sur le jeune homme qui était le plus près de lui, et il semblait lui demander d’exprimer aussi d’une manière intelligible pour tous les assistants sa propre résignation. Mais le sacrifice surpassait les forces de celui auquel il s’adressait. Après avoir porté les yeux sur les restes de ceux qui n’étaient plus, et promené ses regards sur la désolation d’un lieu que sa propre main avait contribué à embellir, le jeune habitant