Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/194

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à toi, roi du ciel ! Et cependant tu avais permis que nos cœurs fussent émus pour elle de toute la tendresse d’un amour terrestre. Nous attendons quelques nouvelles manifestations de ta volonté, afin de savoir si les sources de nos afflictions doivent être taries par la certitude de son bonheur éternel (à ces mots des larmes brûlantes sillonnèrent les joues pâles de la mère silencieuse), ou si l’espérance ou même notre devoir envers toi exige les recherches de ceux qui lui sont liés par le sang. Lorsque le même coup affligea le solitaire errant dans une terre étrangère et sauvage, il ne retint pas l’enfant que tu lui accordais à la place de celui que tu avais appelé à toi. Maintenant cet enfant est devenu un homme, et semblable à l’Abraham du temps passé, il met à tes pieds, comme une offrande volontaire, l’objet des affections paternelles. Fais-en ce que ta sagesse, qui ne se trompe jamais, jugera convenable… Ces derniers mots furent interrompus par un gémissement sourd qui s’échappa de la poitrine de Content : un profond silence suivit ; mais lorsque chaque individu de l’assemblée jeta un regard de pitié et de crainte sur le malheureux père, on s’aperçut qu’il s’était levé et qu’il regardait l’orateur avec calme, comme s’il était surpris, ainsi que les autres, et se demandait d’où ce son douloureux avait pu sortir. Le Puritain reprit son sujet, mais sa voix s’affaiblit ; et pendant quelques instants ses auditeurs contemplèrent le pénible spectacle d’un vieillard ébranlé par le chagrin. Convaincu de sa faiblesse, le vieillard cessa ses exhortations et prit le ton de la prière. Alors ses paroles devinrent fermes et distinctes, et l’invocation se termina au milieu d’un calme profond et religieux.

Après cette occupation préliminaire la simple cérémonie s’acheva : les restes des jeunes planteurs furent déposés silencieusement dans la tombe, et on les couvrit de terre. Alors Mark Heathcote, à haute voix, implora les bénédictions du Seigneur sur sa maison ; et courbant la tête, comme il avait déjà courbé l’esprit à la volonté du ciel, il dit à la famille de se retirer.

L’entrevue qui eut lieu ensuite se passa sur la tombe ; la main de l’étranger fut serrée avec force par celle du Puritain, et l’empire que l’un et l’autre possédaient sur soi-même parut céder aux regrets causés par une amitié qui s’était fortifiée au milieu de tant de scènes déchirantes.

— Tu sais que je ne puis m’arrêter, dit l’inconnu, comme s’il répondait à quelque désir exprimé par son compagnon, ils me