Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/199

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daient à perte de vue, était une vallée située entre trois montagnes peu élevées. Sur ce terrain, et dans un espace de plusieurs milles, on voyait tous les signes d’un établissement qui se trouve dans un état croissant d’amélioration. Les détours d’un ruisseau profond fond et rapide qui dans l’autre hémisphère aurait porté le nom de rivière[1], pouvaient se suivre à travers les prairies, à l’aide des saules et des sumacs qui croissaient sur ses rives. Près du centre de la vallée les eaux du ruisseau avaient été resserrées par une petite digue sur laquelle s’élevait un moulin, dont la roue à cette heure était encore immobile. Tel était le site qu’occupait un hameau de la Nouvelle-Angleterre.

Le nombre des habitations du village pouvait être à peu près de quarante. Elles étaient, suivant l’usage, solidement construites en bois et proprement couvertes en planches. En général, toutes les maisons avaient un air remarquable d’égalité ; et, s’il était question de tout autre pays que le nôtre, on pourrait ajouter que, même dans la plus humble, l’aisance et l’abondance paraissaient régner à un degré peu ordinaire. Elles avaient pour la plupart deux étages peu élevés, le second s’avançant d’un ou deux pieds au-delà du premier ; genre de construction fort en usage dans les premiers jours des colonies orientales. Comme on ne pensait guère à cette époque à peindre les bâtiments, aucune de ces maisons n’avait une couleur différente de celle que le bois prend naturellement après avoir été exposé quelques années à l’air. Chacune d’elles avait sa seule cheminée au centre du toit, et l’on n’en voyait que deux ou trois qui eussent plus d’une fenêtre solitaire de chaque côté de la porte d’entrée. En face de chaque demeure était une petite cour tapissée de gazon, et séparée de la voie publique par une cloison légère en planches de sapin. Un double rang d’ormes jeunes et vigoureux bordait chaque côté d’une rue très-large, au centre de laquelle un énorme sycomore gardait encore le poste qu’il avait occupé dans la forêt avant que l’homme blanc y eût pénétré. C’était sous l’ombre de cet arbre que les habitants se réunissaient fréquemment pour ap-

  1. Il existe une grande négligence et beaucoup d’inexactitude dans la nomenclature des fleuves d’Amérique. Le nom de rivière est donné en général à tous les courants d’eau considérables ; mais plusieurs, qui seraient regardés comme tels en Europe, sont appelés creets, baies, quoiqu’ils soient tout à fait dans l’intérieur des terres, sans nulle communication avec la mer ni avec les lacs. Ainsi la baie du Canada et celle de Schoharic sont toutes deux plus larges que la Tamise à Kew, et versent leurs eaux dans la Mowhawk. Les fleuves de ce genre portent, dans quelques-uns des États, le nom de branches.