Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/218

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dans ses membres tremblants des restes de leur vigueur et de leur souplesse, et toute sa physionomie exprimait son caractère ascétique, dont l’austérité n’était que faiblement adoucie par les mouvements d’une bonté naturelle que ni sa manière de vivre ni son habitude de rigorisme n’avaient jamais pu complètement effacer. Les premiers rayons du soleil frappaient alors doucement ce type d’une vieillesse vénérable et de l’abnégation de soi-même, et donnaient à un œil terne et à un front sillonné de rides un air rayonnant de paix. Peut-être la douceur de cette expression extraordinaire appartenait-elle autant à l’heure du jour et à la saison de l’année qu’au caractère habituel de l’homme. Il s’y mêlait sans doute aussi le recueillement de la prière, qu’il venait de faire, suivant l’usage, au milieu du cercle de ses enfants et de ses domestiques, avant qu’ils sortissent des parties plus retirées du bâtiment, où ils avaient trouvé repos et sécurité pendant la nuit. Parmi les premiers aucun n’avait été absent, et les amples préparatifs qu’on faisait pour le déjeuner prouvaient suffisamment que le nombre des autres n’avait nullement diminué.

Le temps n’avait produit aucun changement bien frappant dans l’extérieur de Content. Il est vrai que son visage avait contracté une teinte plus brune, et que son corps commençait à perdre quelque chose de son élasticité et de sa vivacité, pour prendre les mouvements plus mesurés du moyen âge ; mais le calme habituel de son âme avait réglé en quelque sorte tous les mouvements de son corps. Son âge mûr n’avait pas tenu les promesses de sa jeunesse ; sa démarche, en un mot, avait toute la gravité de son esprit. Ses formes extérieures avaient subi peu de changement ; quelques cheveux blancs paraissaient çà et là sur son front, comme quelques brins de mousse indiquent les interstices d’un bâtiment solide d’ailleurs.

Il n’en était pas de même de sa bonne et affectueuse épouse. Cet air de douceur, qui avait d’abord touché le cœur de Content, se retrouvait encore en elle, malgré ses chagrins secrets. La fraîcheur de sa jeunesse avait fait place à la beauté plus durable et plus touchante d’une physionomie expressive. Les yeux de Ruth étaient toujours tendres, et son sourire toujours aimable ; mais ses yeux perdaient de leur expression, comme si les objets extérieurs ne pouvaient la distraire des tristes secrets de son cœur ; et ce sourire ressemblait à la froide lueur de cet astre qui ne brille que d’un reflet d’emprunt. Ses belles formes, le charme