Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/226

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amis furent obligés de quitter le village, plus tristes encore que fatigués.

Si quelqu’un de ceux qui lisent ces pages a jamais connu les tourments de l’incertitude sur un enfant chéri, il saura apprécier les souffrances d’une mère pendant le mois que son mari employa à ce pèlerinage. Quelquefois l’espoir brillait dans son cœur, et le plaisir rendait à ses joues leur ancien coloris, et à ses yeux tout leur éclat. La première semaine de l’absence des deux amis fut presque pour elle un temps de bonheur. Le résultat qu’elle espérait de ce voyage lui en fit presque oublier les dangers, et quoique la crainte fît de temps en temps battre bien vivement le cœur de cette mère affligée, l’espoir était le sentiment qui y dominait. On la voyait parcourir sa maison avec une physionomie où la joie luttait contre l’habitude d’une douce gravité, et ses sourires commençaient de nouveau à briller d’un bonheur renaissant. Jusqu’au jour de sa mort le vieux Mark Heathcote n’oublia jamais la sensation soudaine qu’il éprouva quand, dans un moment où il ne s’y attendait nullement, il entendit rire la femme de son fils. Quoique des années se fussent écoulées depuis l’instant où ce son extraordinaire s’était fait entendre jusqu’au moment de notre histoire où nous sommes parvenus, ce phénomène ne s’était jamais répété. Une autre circonstance avait contribué à ajouter encore aux espérances de Ruth. En arrivant à une journée de distance de la peuplade parmi laquelle il avait appris qu’il se trouvait une jeune captive blanche, Content avait trouvé une occasion pour l’instruire de la perspective favorable qui s’offrait à lui. Ce fut au milieu d’un espoir bien fondé que le désappointement vint glacer de nouveau le cœur de la malheureuse mère, et le bonheur qu’elle avait goûté d’avance fut détruit par le plus cruel de tous les maux, celui d’une attente trompée.

Le soleil allait se coucher lorsque Content et Dudley arrivèrent aux premiers défrichements en rentrant dans la vallée. Le chemin qu’ils suivaient traversait le flanc d’une montagne, et il s’y trouvait un endroit d’où l’on pouvait voir distinctement, à travers les arbres, les bâtiments déjà élevés sur les cendres de ceux qui avaient été incendiés. Jusqu’alors le père, l’époux, s’était cru en état de supporter le choc douloureux qu’il prévoyait, lorsqu’il rendrait compte de son infructueux voyage. Mais en ce moment il s’arrêta, et pria son compagnon de prendre les devants, et de porter la première nouvelle du peu de succès d’une mission