Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/239

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setts, celui qui a fait une ligue avec Metacom, et qui a été récemment repoussé des lieux qu’il occupait dans le voisinage de la mer. Vit-il encore ?

Les traits de son frère subirent tout à coup un autre changement. Au lieu de cette importance puérile avec laquelle il avait répondu jusqu’alors aux questions de sa sœur, un air d’astuce se fit remarquer dans ses yeux peu expressifs : sans remuer la tête, il promena lentement et avec précaution ses regards autour de lui, comme s’il se fût attendu à découvrir quelque signe visible des intentions secrètes qu’il soupçonnait évidemment. Au lieu de répondre, il se remit à manger, mais c’était avec une nonchalance qui prouvait qu’il le faisait moins pour satisfaire son appétit que parce qu’il était résolu à ne pas faire une réponse qui lui paraissait dangereuse. Ce changement n’échappa ni à sa sœur, ni à aucun de ceux qui suivaient avec le plus vif intérêt les moyens qu’elle employait pour mettre un peu d’ordre dans les idées confuses d’un idiot, capable cependant de faire usage au besoin de la circonspection astucieuse des sauvages. Foi changea prudemment de sujet, et lui fit d’autres questions pour tâcher de diriger ses pensées vers un autre objet.

— Je suis sûre, continua-t-elle, que tu commences à te rappeler le temps où tu conduisais les bestiaux dans le taillis, et que tu avais coutume d’appeler Foi pour qu’elle te donnât à dîner, quand tu revenais fatigué d’avoir couru dans les bois pour rassembler les vaches. As-tu jamais toi-même été attaqué par les Narrangansetts, quand tu demeurais dans la maison d’un visage pâle ?

Whittal cessa de manger, et il se mit à réfléchir avec toute l’attention dont était susceptible un homme dont l’intelligence était si bornée. Il ne fit pourtant d’autre réponse qu’un signe de tête négatif, et il reprit son agréable occupation.

— Quoi ! es-tu devenu un guerrier sans avoir jamais vu enlever une chevelure ou mettre le feu à un Wigwam ?

Whittal plaça par terre le reste de ses aliments et se tourna vers sa sœur. Son visage avait pris une expression sauvage et féroce, et il se mit à rire tout bas, mais d’un air triomphant. Après avoir donné cette preuve de satisfaction, il daigna faire une réponse à sa sœur.

— Certainement, dit-il, nous marchâmes une nuit contre ces menteurs de Yengeeses ; et jamais le feu qu’ils mirent à nos bois ne dessécha la terre comme celui que nous allumâmes dans leurs