Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/250

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prouvent des objets qui, dans d’autres pays, ne changent guère d’aspect pendant le cours de plusieurs siècles, est un fait familier à tous ceux qui résident dans les établissements les plus récents de l’Union. Il a pour cause les améliorations promptes et successives qui ont lieu dans les premières époques d’un établissement ; le défrichement seul d’une partie de forêt offre à l’œil une vue toute nouvelle, et il n’est nullement facile de reconnaître dans le site d’un village, quelque récente que soit son existence, et dans des champs cultivés, quelque imparfaite que soit leur culture, aucune trace des lieux que l’on connaissait peu de temps auparavant comme le repaire du loup et le refuge du daim.

Les traits et surtout les yeux de sa sœur avaient pourtant éveillé quelques souvenirs dans l’esprit de Whittal Ring, et ces rapides éclairs du passé avaient suffi pour ranimer cette ancienne confiance qui s’était déjà montrée en partie dans leur première conférence ; mais il ne pouvait se rappeler des objets qui n’excitaient pas vivement son attention et qui avaient subi de si grands changements. Cependant il ne regarda pas les ruines du fort sans donner quelques signes d’émotion : quoique la verdure qui en entourait la base eût toute la fraîcheur des premiers jours de l’été, et que l’odeur délicieuse du trèfle sauvage flattât son odorat, il y avait dans ces murs noircis et délabrés, dans la position de la tour, dans la vue des montagnes qui l’environnaient, quoique dépouillés en partie des bois qui les avaient couvertes, quelque chose qui le frappait évidemment. Il regardait cet endroit comme un chien regarde un maître dont il a été si longtemps séparé que son instinct se trouve en défaut. Quand ses compagnons cherchaient à aider sa faible intelligence, il y avait des moments où sa mémoire paraissait sur le point de triompher, et où l’on aurait cru que toutes les illusions qu’il devait à l’habitude et à la compagnie des Indiens allaient disparaître devant le jour de la réalité ; mais les attraits d’une vie qui offrait toute la liberté de la nature et les plaisirs de la chasse et des bois, ne pouvaient être écartés si facilement. Lorsque Foi ramenait avec adresse les idées de son frère sur les jouissances purement amicales qui avaient fait son bonheur dans son enfance, ses prédilections semblaient chanceler ; mais quand il parvint à comprendre qu’il fallait abandonner la dignité de guerrier et tous les plaisirs plus récents et plus séducteurs de la vie sauvage, ou voyait qu’il lui en coûtait