Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/264

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n’avait vu aucun temple, et l’édifice, sa distribution intérieure, les visages qu’il contenait, leurs occupations, tout lui était également étranger. Ce fut seulement lorsque le peuple éleva la voix dans des cantiques de louanges, que quelques lueurs d’anciens souvenirs se montrèrent sur son visage sans expression ; alors il fit éclater une partie de la joie que peuvent inspirer des sons bruyants aux êtres dont les facultés mentales sont si bornées. Néanmoins, comme il parut satisfait de rester à l’écart dans une partie solitaire de l’église, le grave enseigne Dudley lui-même, dont le regard avait plus d’une fois annoncé le mécontentement, ne vit point la nécessité de le faire sortir.

Ce jour-là Meek avait choisi pour son texte ce passage du Livre des Juges : — Et les enfants d’Israël commirent le mal devant le Seigneur, et le Seigneur les abandonna pendant sept années entre les mains de Madian. — L’esprit subtil du docteur en théologie tirait un grand parti de ce texte, se jetant à corps perdu dans toutes les allusions mystérieuses et allégoriques fort en vogue à cette époque. Sous quelque point de vue qu’il considérât le sujet il trouvait moyen de comparer les souffrances supportées par les habitants de la colonie, quoiqu’elles fussent de leur choix, à celles de la race des Hébreux. S’ils n’étaient pas prédestinés parmi tous les peuples de la terre, afin qu’un être plus puissant qu’un homme fût tiré de leur sein, ils avaient été conduits dans ce désert loin des tentations d’un monde licencieux et de la perversité de ceux qui bâtissent l’échafaudage de leur foi sur les salles des honneurs temporels, pour conserver la parole dans sa pureté.

Comme il ne parut pas que le ministre doutât de la vérité avec laquelle il avait expliqué les paroles de son texte, la plupart de ses auditeurs prêtèrent bien volontiers l’oreille à un argument aussi rassurant.

En ce qui avait rapport à Madian, les explications du prédicateur furent moins étendues. On ne pouvait douter que cette allusion n’eût jusqu’à un certain point rapport à l’auteur du mal. Mais de quelle manière les habitants choisis de ces régions devaient-ils ressentir sa maligne influence ? cela était un peu plus incertain. Quelquefois l’imagination exaltée de ceux qui avaient nourri la conviction que les manifestations visibles de la colère ou de l’amour de la Providence se présentaient journellement à leurs yeux, était flattée de l’étrange espérance que la guerre, qui