Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/280

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d’une sorte de turban, et dont la stature était haute et la voix formidable, s’avança. La ligne qui reculait s’arrêta, et reçut une nouvelle impulsion, les hurlements redoublèrent. On vit un autre guerrier, brandissant un tomahawk, sur un des flancs de la phalange, qui s’élança plus serrée sur les blancs, comme un torrent débordé qui porte la désolation sur son passage et menace de tout renverser :

— Formez un carré ! s’écria l’inconnu, méprisant dans un semblable moment l’abri où il était à couvert et le soin de sa vie ; formez un carré, chrétiens, et soyez fermes !

Cet ordre fut répété par Content, et passa de bouche en bouche ; mais avant que ceux qui étaient sur les flancs pussent atteindre le centre, le choc avait eu lieu. Tout ordre étant rompu, on combattit corps à corps. Un parti se battait fièrement pour la victoire, l’autre pour échapper à la mort. Après la première décharge de mousqueterie et le sifflement des flèches, on fit usage du couteau et de la hache. Les blancs y ripostèrent par les coups pesants de la crosse de fusil et les efforts de mains vigoureuses qui s’attachaient à leur proie avec la force convulsive du désespoir. Des monceaux de morts s’entassaient les uns sur les autres ; et lorsque le vainqueur se relevait en repoussant ceux qui expiraient autour de lui, son œil triste se reposait à la fois sur un ami et sur un ennemi. Le verger retentissait des hurlements des Indiens, mais les colons combattaient dans un muet désespoir ; leur sombre courage ne les abandonnait qu’avec la vie ; et il arriva plus d’une fois, dans ce jour fatal, que le gage sanglant du trophée indien fut élevé en triomphe devant les yeux de la malheureuse victime sur la tête de laquelle il avait été arraché.

Au milieu de cette scène effrayante de carnage et de cruauté, les principaux personnages de notre histoire n’étaient point oisifs. Par une convention tacite et ingénieuse l’étranger, Content et son fils s’étaient placés dos à dos, et luttaient vaillamment contre leur mauvaise fortune. Le premier ne se montra pas soldat de parade ; connaissant l’inutilité du commandement lorsque chacun combattait pour sa vie, il frappait ses coups terribles en silence. Content suivait noblement cet exemple, et le jeune Mark déployait tente l’agilité, toute la vigueur de la jeunesse. Une première attaque de l’ennemi fut repoussée, et pendant un moment les chrétiens conçurent une trompeuse espérance. À la suggestion de l’étranger, les trois personnages que nous venons de nommer se