Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/291

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échos de ces montagnes ne répétèrent jamais des cantiques de louanges, ou pourquoi les vallées ont été muettes si longtemps. Ce sont des vérités cachées dans le secret de ses desseins, et elles ne seront peut-être pas connues avant que ces desseins soient accomplis. Mais l’Esprit grand et juste a conduit ici les hommes remplis de l’amour de la vérité et du désir de propager leur foi, tandis que la conscience de leurs propres transgressions les courbe dans une profonde humilité jusqu’à la poussière. Tu nous accuses de convoiter tes terres et d’être corrompus par les richesses ; cela vient de ton ignorance de ce qui a été abandonné afin que l’esprit des hommes religieux pût conserver. Lorsque les Yengeeses vinrent dans ce désert, ils laissèrent derrière eux tout ce qui peut plaire à l’œil, satisfaire les sens et remplir les désirs du cœur humain, dans le pays de leurs pères : quelque belle que soit la nature dans les autres pays ; il n’y a rien d’aussi excellent que ce qu’ont quitté les pèlerins de ce désert. Dans cette île favorisée, la terre succombe sous l’abondance de ses productions ; ses parfums flattent l’odorat, et l’œil n’est jamais lassé de contempler ses charmes. Non, les hommes à visage pâle ont abandonné leur patrie et toutes les douceurs de l’existence pour servir leur Dieu, et non pas par l’instigation d’un esprit avide ou pour de coupables vanités.

Content s’arrêta, car l’esprit par lequel il était animé l’écartait insensiblement de son sujet ; ses vainqueurs conservaient la gravité décente avec laquelle un Indien écoute toujours un discours jusqu’à ce qu’il soit terminé. Alors le grand-chef ou Wampanoag, ainsi qu’il s’était proclamé lui-même, posa légèrement son doigt sur l’épaule de son prisonnier, et lui demanda :

— Pourquoi le peuple des Yengeeses s’est-il engagé dans un sentier perdu ? Si le pays qu’il a quitté est agréable, leur Dieu ne peut-il pas l’entendre du wigwam de ses pères ? Vois ; si nos arbres ne sont que des buissons, laisse-les à l’homme rouge, il trouvera de la place sous leurs branches pour reposer à l’abri de leur ombre. Si nos rivières sont étroites, c’est parce que l’Indien, est petit ; si les montagnes sont basses et les vallées rétrécies, les jambes de mon peuple sont fatiguées de la chasse, et il les traverse plus aisément. Ce que le Grand-Esprit a fait pour les hommes rouges, les hommes rouges doivent donc le garder. Ceux dont la peau ressemble à la lueur du matin doivent retourner vers le soleil levant, d’où ils sont venus pour nous nuire.