Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/316

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de l’effrayant massacre qui avait eu lieu pendant l’hiver de la même année, dans lequel ni l’âge ni le sexe n’avaient été épargnés, comme d’un triomphe de la bonne cause et comme d’un encouragement à persévérer. Puis, par une transition qui n’était point extraordinaire dans un siècle si remarquable en subtilités religieuses, Meek revint aux vérités plus douces et moins obscures des doctrines de celui dont il faisait profession de maintenir l’Église. Il recommande à ses auditeurs de mener une vie de charité et d’humilité, et il les envoya pieusement, avec sa bénédiction, à leurs demeures respectives.

La congrégation quitta l’église se croyant favorisée par les révélations extraordinaires de l’auteur de la vérité, et l’armée de Mahomet elle-même n’était guère moins imbue de fanatisme que ces chrétiens aveugles. C’était quelque chose de si satisfaisant pour leur faiblesse humaine que de concilier leur ressentiment et leurs intérêts temporels avec leurs devoirs religieux, que la plupart d’entre eux étaient préparés à devenir des ministres de vengeance sous la conduite de quelque chef hardi. Tandis que les habitants de la vallée étaient en proie à des passions aussi contradictoires, les ombres du soir descendaient graduellement sur leur village ; puis les ténèbres succédèrent au coucher du soleil avec la rapidité particulière à cette latitude.

Quelque temps avant que les ombres des arbres eussent pris ces formes fantastiques qui annoncent les rayons du soleil, et tandis que les habitants des frontières écoutaient encore leur pasteur, un individu solitaire était placé sur une haute élévation d’où il pouvait surveiller les mouvements de ceux qui demeuraient dans le hameau sans être remarqué lui-même. Une pointe de rocher se projetait sur la vallée du côté de l’habitation de la famille de Heathcote ; un petit ruisseau auquel la fonte des neiges et les pluies fréquentes et particulières au climat donnaient quelquefois apparence d’un torrent avait creusé un profond ravin dans son sein. Le temps et l’action constante de l’eau, secondés par les tempêtes de l’hiver et de l’automne, avaient donné à quelques parties de ce ravin une ressemblance imparfaite avec les demeures des hommes. Il y avait particulièrement un de ces lieux où une inspection plus sévère que l’éloignement des maisons du village ne pouvait le permettre eût découvert plus de vestiges d’un travail humain que ceux qui présentaient l’image d’angles fantastiques et de formes accidentelles.