Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/318

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ou s’il surveillait ce qui se passait autour de lui. On pouvait découvrir dans ses traits l’apparence de ces deux occupations. Quelquefois ses yeux exprimaient un sentiment doux et mélancolique, comme s’il eût trouvé du plaisir dans cette sympathie qui l’unissait à la nature humaine ; dans d’autres instants, ses lèvres se contractaient comme celles d’un homme qui ne trouve de secours que dans son propre courage.

La solitude de ce lieu, le calme universel, le tapis immense de feuillage que l’œil pouvait découvrir de ce point élevé, la tranquillité profonde de la forêt, tout contribuait à donner à cette scène un caractère de grandeur. Le visage de l’habitant du ravin était aussi immobile que tous les objets sur lesquels sa vue était arrêtée ; il eût semblé de pierre sans l’expression de ses yeux et sa couleur. Un de ses coudes était appuyé sur le petit rempart devant lui, et sa main soutenait sa tête. À la distance d’une portée de flèche, l’œil eût pu le prendre pour une de ces imitations bizarres de la nature que la main du temps imprime souvent sur les rochers. Une heure se passa, et le corps du solitaire n’avait pas changé de position, ses muscles même avaient à peine fait un mouvement ; la contemplation ou l’attente semblait avoir suspendu en lui toutes les fonctions ordinaires de la vie. Enfin cette étrange inaction fut interrompue. Un bruit aussi léger que celui qui peut être produit par le saut d’un écureuil se fit entendre dans les buissons au-dessus de l’ermitage ; un craquement de branches lui succéda ; puis un fragment de rocher descendit en bondissant vers le précipice, passa sur la tête du solitaire, et tomba, avec un bruit qui fit retentir tous les échos des cavernes, jusque dans le ravin qui était au-dessous.

Malgré cette interruption subite et le fracas épouvantable dont elle fut accompagnée, celui qui devait en être le plus affecté ne manifesta aucun symptôme de crainte ou de surprise ; il écouta attentivement jusqu’à ce que le dernier son se fût évanoui ; mais l’expression de son visage annonçait plutôt l’espoir que l’effroi. Se levant lentement, il regarda autour de lui, et marchant d’un pas rapide sur le bord du rocher où sa hutte était élevée, il disparut dans le petit bâtiment ; on le vit bientôt après assis de nouveau à son ancien poste ; une courte carabine, comme celles dont on fait usage dans la cavalerie, était sur ses genoux. Si le doute ou l’inquiétude occupa l’esprit de cet homme lorsqu’il reconnut que la solitude qu’il avait cherchée allait être interrompue, ce