Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/319

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ne fut pas assez fortement pour troubler le calme de sa physionomie. Une seconde fois les branches parurent agitées, et ce léger frémissement provenait d’une partie plus basse du précipice, comme si le pied qui causait le bruit eût été en mouvement pour descendre : bien qu’aucun homme ne fût visible, on ne pouvait se méprendre plus longtemps sur la nature de cette interruption, car aucun animal d’un poids suffisant pour produire un tel bruit n’aurait choisi un lieu où le secours des mains était aussi nécessaire que celui des pieds.

— Avance ! dit celui qui, sans les accessoires de son costume et ses préparatifs hostiles, aurait pu être pris pour un ermite ; je suis déjà ici.

Ces mots ne furent pas prononcés en vain, car un homme parut aussitôt sur le bord du rocher à environ vingt pieds de celui qui venait de parler. Lorsque les regards de ces deux individus se rencontrèrent, la surprise de celui qui arrivait fut égale à celle de l’être mystérieux qui habitait l’ermitage ; l’un prit sa carabine, l’autre son mousquet, et ils se couchèrent en joue ; mais une seconde action aussi prompte que la première les jeta de côté par une impulsion commune. L’habitant de la montagne fit signe au nouvel arrivant de s’approcher davantage ; toute apparence d’hostilité disparut, et fut remplacée par cette sorte de familiarité que la confiance fait naître.

— Comment se fait-il, dit le solitaire à son hôte lorsqu’ils se furent assis tranquillement derrière le petit rempart de pierre, que tu aies découvert ce lieu secret ? Le pied d’un étranger n’a pas souvent parcouru ces rochers, et aucun homme avant toi n’a descendu le précipice.

— Un moccasin est sûr, répondit-on avec le laconisme indien ; mon père a une bonne vue, il peut voir bien loin de la porte de sa hutte.

— Tu sais que les hommes de ma couleur parlent souvent à leur bon Esprit, et ils n’aiment pas à implorer ses faveurs sur les grandes routes ; cette place est consacrée à son saint nom.

Celui qui venait de se présenter dans l’ermitage était le jeune sachem des Narragansetts, et celui qui, malgré les paroles qu’il venait de prononcer, cherchait si évidemment une retraite secrète plutôt que la solitude, était cet inconnu que nous avons si souvent introduit dans ces pages à l’ombre du mystère. Leur reconnaissance et leur mutuelle confiance ne demandent aucune expli-