Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/370

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poitrine nue, et prit un air en même temps fier et calme.

L’espoir trompé, une admiration involontaire et la défiance, tous ces sentiments se montraient tour à tour sur le visage d’Uncas, bien que ses traits fussent habitués à feindre. Il regardait son ennemi si terrible, et depuis si longtemps haï, d’un œil qui semblait épier quelque signe de faiblesse. On n’aurait pu dire s’il ressentait du respect ou du regret de la fidélité du Narragansett. Accompagné de ses deux sombres guerriers, le chef examina la position de l’ombre projetée par le pin, avec une minutieuse ironie, et lorsqu’il n’exista plus aucun prétexte pour douter de la ponctualité du captif, une exclamation de satisfaction s’échappa de leur poitrine. Semblable au magistrat dont les jugements sont appuyés de procédures légales, le Mohican, satisfait de ce qu’il n’y avait aucun défaut dans cette affaire, fit signe aux blancs de s’approcher.

— Homme d’une nature sauvage, dit Meek Wolf avec son emphase ordinaire, l’heure de ton existence touche à sa fin ! Le jugement a été prononcé. Tu as été pesé dans la balance, et tu as été trouvé trop léger. Mais la charité chrétienne ne se lasse jamais. Nous ne pouvons résister aux ordres de la Providence, mais nous pouvons adoucir ses coups. Tu vas mourir ! C’est un ordre décrété par l’équité, et rendu terrible par le mystère. Soumets-toi aux ordres du ciel. Païen, tu as une âme ; elle est sur le point de quitter son enveloppe mortelle pour aller habiter un monde inconnu…

Jusqu’à ce moment, le captif avait écouté avec la politesse d’un sauvage lorsque rien ne l’émeut. Il avait même regardé le tranquille enthousiasme et les passions contradictoires qui brillaient sur les traits rudes de l’orateur, avec le respect qu’il aurait pu manifester en écoutant les prétendues révélations d’un prophète de sa tribu. Mais, lorsque le ministre chrétien parla de l’état de l’âme après sa mort, l’esprit de Conanchet se rappela aussitôt les croyances qu’il avait nourries jusqu’alors, et qui étaient pour lui la vérité. Posant un doigt sur l’épaule de Meek, il l’interrompit en disant :

— Mon père oublie que la peau de son fils est rouge. Le sentier des heureuses terres de chasse du juste Indien est devant lui.

— Païen, l’esprit de ténèbres et de péché a proféré ces blasphèmes par ta bouche !

— Écoute !… Mon père voit-il ce qui agite ces buissons ?