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Copeau

Le moyen de m’en défendre ?

Melle Geoffroy

Le moyen ? Une respectueuse excuse fondée sur l’impossibilité de la chose dans le peu de temps qu’on vous donne, et tout autre en votre place, ménagerait mieux sa réputation, et se serait bien gardé de se commettre comme vous faites. Où en serez-vous, je vous prie, si l’affaire réussit mal, et quel avantage pensez-vous qu’en pendront tous vos ennemis ? *

Jouvet

N’écoutez pas cette peronelle. Elle ne sait ce qu’elle dit.

Copeau

Si j’en avais eu le temps, je me proposais de composer en manière d’impromptu une petite comédie où nous nous serions joués nous-mêmes et où le caractère de chacun aurait paru. J’aurais su par ce moyen faire entendre au public qu’un grand empêchement nous est venu des circonstances pour réaliser pleinement nos intentions, qu’il ne conviendrait pas de nous juger sur nos premières réalisations, et que…

Jouvet

Au diable, mon Patron, pour moi je ne vois pas qu’il y faille tant de discours. Et si seulement vous voulez vous reposer sur nous, vous verrez que tout ira bien. Et s’il est nécessaire de vous rendre confiance, je vous demande de vous rappeler ce que nous avons fait. Pour les premiers combats nous étions dix, hommes et femmes, sur lesquels deux à peine avaient la foi. Sans doute avions-nous de grands mots à la bouche : faire de l’art, travail désintéressé, racheter le théâtre de cet état d’abaissement ou des exploiteurs l’ont fait tomber. Mais la foi, Patron, la foi pratique et invincible, elle nous est entrée dans l’âme peu à peu, jour par jour. Il nous a fallu la vie commune, l’amour commun, l’humble travail quotidien qui crée tout avec les mains de l’homme et par elles fait tout sortir du néant, il nous a fallu la guerre, l’apprentissage de la patience et de la discipline, et la menace

Nota : Le texte compris entre astérisques est de Molière.