Page:Coppée - Œuvres complètes, Prose, t1, 1892.djvu/32

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bourg mais la circulation était devenue presque impossible dans ces parages. Les soldats s’étaient mêlés à la foule ; des enthousiastes leur offraient des cigares, même de l’argent, et dans tous les cabarets on en voyait, le fusil à terre et le fourniment sur le dos, trinquant avec des civils.

Gabriel fit comme tout le monde : il se rangea le long du trottoir et regarda.

C’était un encombrement de troupes, de fourgons et d’artillerie. Des chevaux se cabraient, des officiers juraient. Les sergents de ville avaient grand’peine à contenir la haie des curieux. Les voyous applaudissaient l’arrivée d’une batterie de mitrailleuses, en criant : « Voilà les moulins à café ! » Le cadran du chemin de fer marquait neuf heures.

En ce moment, Gabriel se sentit légèrement touché au bras, et, avant même qu’il se fût retourné, entendit une voix féminine lui dire : « Oh ! monsieur, laissez-nous passer devant vous, pour voir. »

Et deux jeunes femmes, en toilette d’été, se faufilèrent en effet devant lui.

La plus grande, qui était une brune aux yeux hardis, se retourna d’abord pour lui adresser un