Page:Coppée - Œuvres complètes, Prose, t1, 1892.djvu/36

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La grande brune intervint encore.

« Comment, ma chère, s’écria-t-elle, vous voulez que monsieur nous laisse déjà ? Mais moi, je vais le prier de nous remettre en chemin, puisqu’il est si complaisant. D’abord, je suis tout à fait perdue dans ce quartier-ci… Dites-moi, monsieur, savez-vous où passe l’omnibus de la Glacière ? C’est par là que nous demeurons.

« Mais, ma chère madame Henry, nous abusons de la bonté de ce monsieur, » dit Eugénie avec une légère insistance.

Gabriel eut alors une audace singulière : il affirma qu’il voulait savoir ces dames en sûreté, et qu’avec leur permission il les mènerait jusqu’à l’omnibus, qui passait tout près de là, rue Rochechouart.

M°" Henry accepta sur-le-champ, et ils se mirent à marcher tous trois de front, les deux femmes se donnant le bras.

La nuit était magnifique, sur ce long boulevard qui commençait à devenir désert. Pas de lune, mais un ciel d’un bleu laiteux, criblé d’étoiles. Le gaz brillait, très clair. Gabriel se tenait à côté de la grande brune ; il n’avait pas osé se mettre auprès de l’autre. Il ne s’était jamais trouvé avec des