Page:Coppée - Œuvres complètes, Prose, t1, 1892.djvu/49

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ment, et brutal ! et mal embouché ! et au café tous les soirs !… Si elle ne m’avait pas pour passer ses soirées, elle mourrait d’ennui, cette pauvre chérie ! Heureusement qu’il la laisse venir ici, après son dîner… Elle apporte son ouvrage ; nous faisons du café et nous causons. Elle me conte ses misères. Cala soulage toujours, n’est-ce pas ? Tenez, monsieur Gabriel, vous seriez bien aimable de venir quelquefois passer une heure avec nous… Vous nous liriez le Petit Journal, d’autant plus qu’il va être intéressant maintenant, à cause de la guerre… Je sais bien que ça va être fini tout de suite et que nous serons à Berlin dans quinze jours… avec les turcos !… Et puis les Prussiens qui n’ont pas de mitrailleuses… »

Et Mme Henry continua à bavarder ainsi, sans s’arrêter, tout d’une haleine, s’éloignant, au grand souci de Gabriel, du sujet qui intéressait tant le naïf jeune homme, et mêlant, au mépris de tout art et de toute logique, les détails de sa vie de femme frivole et inoccupée aux considérations les plus inattendues sur les beaux-arts, la religion, la guerre et la politique. En quelques instants, Gabriel apprit qu’elle était née à Clignancourt ; qu’elle raffolait du comédien Mélingue ; que son mari l’avait