Page:Coppée - Œuvres complètes, Prose, t1, 1892.djvu/58

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sa broderie, quoiqu’on n’y vît presque plus. Mais Gabriel les avait reconnus, ces yeux, si grands et si brillants dans la pénombre, tels qu’ils s’étaient fixés sur lui la première fois, sur le boulevard Magenta, à la lueur du gaz, et il sentit tout son sang refluer vers son cœur.

La lampe allumée, Mme Henry vint se rasseoir et causa avec son amie. Elle lui demanda des conseils sur la manière de tailler sa robe, et Eugénie lui répondit en interrompant son travail et en traçant des lignes sur l’étoffe avec son doigt, que coiffait un petit de d’argent. Elle ne regardait jamais Gabriel, mais on sentait comme un effort dans cette persistance à éviter de le voir. Lui, au contraire, s’enhardissait. Il poussa même l’audace jusqu’à lui adresser la parole. Elle lui répondit quelques mots seulement, d’une voix qu’elle voulait rendre froide et qui était toujours douce. De temps en temps, souriant à une pensée intime, Mme Henry les regardait longuement l’un après l’autre, d’un air singulier.

Enfin dix heures sonnèrent quatre ou cinq fois aux horloges du quartier. Il faisait une nuit très claire, très étoilée et très chaude. Pas une brise. Un gros papillon nocturne, venu des massifs de