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histoire.

nombre de ministres furent conduits au supplice, et comment plusieurs assemblées qui se croyaient en sûreté furent surprises et dispersées par le feu des soldats. Enfin loin de laisser dépérir sa foi sous l’excès des souffrances qu’il endurait pour elle, le peuple du Languedoc avait soin de perpétuer, par la tradition, le tableau de l’héroïsme de ses confesseurs. Nous citerons plusieurs des complaintes populaires, où les peuples célébraient en une poésie aussi religieuse que naïve, la perte des courageux pasteurs, qui avaient marché au gibet en bénissant leurs frères et en chantant les psaumes des martyrs. Il est superflu de dire que nulle violence ne pouvait étouffer la foi secrète d’une population ainsi disposée. Ni la surveillance toujours présente du clergé, ni les caprices belliqueux des commissions militaires, ni l’arbitraire administratif des intendants, ni les poursuites intéressées de la caisse des économats, ni les barbaries héréditaires de la magistrature, ne pouvaient atteindre des actes dont la trace se perdait dans le for intérieur. C’est ainsi que ces populations ferventes et dévouées puisaient, dans les pratiques de leur indomptable piété, des armes bien plus difficiles à vaincre que celles de la résistance guerrière et déclarée des Camisards. Leur constance sut triompher de ce code inouï de déclarations et d’édits cruels, que depuis plus d’un demi-siècle la cour de Versailles dirigeait contre leurs personnes, contre leurs biens, contre leur religion, et même contre leur existence civile.