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des églises du désert.

clergé d’accepter en paix un fait accompli et extérieur. Ils purent même espérer que l’adhésion extérieure des protestants, rendue complète par l’obligation où le clergé était de la recevoir, deviendrait une garantie de paix publique, que l’édit ne serait guère qu’un épouvantail sans effet, et que des rites bien ou mal observés par les religionnaires laisseraient dormir à jamais les sanctions cruelles dont leur loi était confirmée. Ils cherchèrent, en un mot, à obtenir de l’hypocrisie ce qu’on n’osait plus espérer des supplices. Il faut peser l’ensemble de ces motifs pour s’expliquer comment des magistrats, tels que d’Aguesseau, Joly de Fleury, et en général, les parlementaires, ne craignirent pas de disposer et de favoriser une œuvre si profondément entachée de cruauté et d’injustice. Nous apprécierons plus tard l’effroyable désordre qui en résulta. Toutefois, il faut bien avouer que le chancelier d’Aguesseau dut avoir nécessairement une forte part à la conception de l’édit de 1724. Dès 1698, on le voit au conseil d’état conférer sur un nouveau système de répression avec le cardinal de Noailles et le ministre Pontchartrain, et faire prédominer avec le cardinal le mode de la législation jansénienne. Son projet était entièrement bâti sur l’idée artificieuse, que tous les sujets du roi s’étaient convertis, bien que toutes les instructions secrètes avouassent le grand nombre de calvinistes qui étaient restés en France. Tandis que les évêques du parti opposé demandaient qu’on retranchât de la loi l’horrible scandale des cadavres traînés sur la claie, d’Aguesseau remarque, dans des mémoires secrets que Rulhière affirme avoir vus, « que s’il est bon d’ôter cette peine, qui fait tant d’horreur, il est bon de la laisser craindre. » On retrouve fidèlement cette théorie dans l’édit de 1724,