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des églises du désert.

Jamais les habitants des plaines brûlantes du Languedoc méridional, ni les montagnards des Cévennes, du Vivarais et du Gévaudan, ne se résignèrent à abandonner sans retour la foi de leur conscience, et la religion de leurs martyrs. Ces paysans, débris de tant d’églises florissantes, ne professèrent point une obéissance passive aux ordres rigoureux de la cour. Il semblait que leur imagination, excitée encore par les souvenirs d’une guerre qui ne fut point sans gloire et où ils apprirent à sentir leurs forces, leur fit éprouver le plus impérieux besoin de s’assembler de nouveau, et de se réunir pour célébrer leur culte au milieu de dangers de toute espèce, et sous les yeux des garnisons nombreuses qui occupaient leurs montagnes. Ces tendances se manifestèrent dès l’époque de la paix d’Utrecht. Les réformés commencèrent alors, tout en1712., renonçant à des levées d’armes et à des moyens hostiles, à se rassembler de nuit dans des cavernes, dans des bois, en rase campagne, ou abrités par des rochers élevés, loin de toute habitation. Ces lieux déserts et sauvages, dont l’aspect leur fournissait des allusions tirées des livres saints ; l’obscurité, l’heure nocturne, le mystère, les fatigues et les dangers qu’il leur fallait braver ; l’irruption des troupes qui pouvaient à chaque instant les surprendre ; la tactique souvent très-étudiée à laquelle ils avaient recours pour se préserver de ces alertes ; toutes ces circonstances étaient de nature à exalter au plus haut degré leur imagination religieuse. Dans de pareils périls, la piété a tout le charme de la poésie et du mystère ; mais aussi elle est portée à nourrir cet esprit fanatique et sauvage qui détruit toute organisation ecclésiastique régulière. Cet esprit donnait prise à leurs vigilants ennemis[1]. Telle fut

  1. Notice sur le rétablissement du culte protestant en France après la