Page:Corbière - Le Négrier.djvu/831

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en condamnant cependant la mélancolie à laquelle je m’abandonnais.

C’est dans ma traversée au Gabon que j’eus surtout lieu d’observer l’empire qu’exerce non-seulement l’autorité d’un capitaine sur les volontés de son équipage, mais aussi l’influence de son humeur sur le caractère de tous ceux qui l’entourent. Mes matelots étaient tristes, par cela seulement que j’étais triste, eux que j’aurais vus si joyeux, pour peu que j’eusse pu me laisser aller encore à des mouvemens de gaîté ! Mais à bord, c’est sur le visage du chef que chacun règle sa physionomie, non pas par flatterie, mais parce que le capitaine est pour ainsi dire la tête d’un corps qui n’a de pensées et de sensations que par lui seul. Je ne pouvais voir quelquefois sans