Page:Corday - La Vie amoureuse de Diderot.djvu/119

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D’après le témoignage de sa fille, les trois quarts de son temps étaient pris par des quémandeurs qui faisaient appel à sa bourse, à ses talents, à son influence. Son cabinet de la rue Taranne, au cinquième étage, ne désemplissait pas. Des gens s’y incrustaient pendant des heures, sans raison.

Il peut résister à tout, sauf à la voix de sa bonté. Dans un salon, Diderot parle de Térence. C’est un feu d’artifice. M. Suard, qui dirige un journal, le supplie de fixer par écrit, le soir même, l’éblouissante causerie. Le philosophe s’y engage. Vingt fois, Suard lui rappelle sa promesse. Vingt fois Diderot, débordé, remet au lendemain. Un matin, le domestique de Suard se présente rue Taranne. Son maître le chassera s’il revient sans copie. Du moment que cet homme est menacé de perdre sa place, Diderot s’émeut. Et, en quelques heures, il écrit ce délicieux morceau qui passe pour un chef-d’œuvre de goût, d’élégance et de pureté : Réflexions sur Térence.

Cette bonté, on l’exploite. Qu’importe : elle est sans fond. Il avait tiré de la misère, nourri, logé, chauffé, vêtu pendant des années, un jeune écrivain