Page:Corday - La Vie amoureuse de Diderot.djvu/131

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de vingt ans l’a si bien courbé qu’il désespère de se redresser. Il aspire au moment où il pourra crier : « Terre ! Terre ! » Il ne cesse pas de se plaindre à son amie des libraires, « ces gens dont nous faisons la fortune et qui m’ont condamné à mâcher des feuilles de laurier ».

Aussi, quand l’ouvrage touche à sa fin, il se réjouit de quitter l’imprimerie de Le Breton, qu’il appelle l’Atelier et où il a travaillé tant d’années : « Je n’y reviendrai plus guère, dans ce maudit atelier où j’ai usé mes yeux pour des hommes qui ne me donneront pas un bâton pour me conduire… Dans huit ou dix jours, je verrai donc la fin de cette entreprise qui m’occupe depuis vingt ans, qui n’a pas fait ma fortune, à beaucoup près, qui m’a exposé plusieurs fois à quitter ma patrie ou à perdre ma liberté, et qui m’a consumé une vie que j’aurais pu rendre plus utile et plus glorieuse… »

Et pourtant, il sent qu’un si vaste labeur ne restera pas vain, qu’il a préparé l’avenir. Et s’il se console de sa lassitude, c’est encore en confiant à son amie son espoir d’avoir bien mérité des hommes. « Cet ouvrage produira sûrement avec le temps une révo-