Page:Corday - La Vie amoureuse de Diderot.djvu/77

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trophe intime précipita sa résolution. M. de Salignac, le mari de sa fille aînée, receveur au service du duc d’Orléans, allait disparaître dans une banqueroute frauduleuse. Ses dettes montaient à dix-huit cent mille francs, somme considérable à cette époque. Mme Volland, par esprit de famille, consentit de grands sacrifices. Mais désormais, son départ pour Isle s’imposait. À tous les motifs qui le lui faisaient souhaiter, s’ajoutait l’impérieuse raison d’économie. Ainsi la destinée, qui ébréchait sa fortune, comblait ses vœux. Tout se compense.

Diderot se rend compte que, cette fois, la séparation est inéluctable. Déjà le départ est décidé pour le mois d’août, Sophie va partir. Elle part. Il tonne contre l’auteur de tout le mal, ce M. de Salignac, dont il s’est défié dès le premier jour. « Je lui pardonne son libertinage ; je ne saurais lui pardonner son hypocrisie. » Et puis, dans son cruel dépit, son désarroi, son gros chagrin d’enfant perdu, il a un de ces gestes où l’homme s’inscrit tout entier. Il écrit à Sophie, qui envisage d’être ruinée : « Songez que s’il pouvait m’arriver de vous aimer et de vous respecter davantage, la misère le ferait. »