Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 1.djvu/151

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doit avoir de sa gloire fasse taire sa passion, comme en Don Sanche, s’il ne s’y rencontre point de péril de vie, de pertes d’États, ou de bannissement, je ne pense pas qu’il ait droit de prendre un nom plus relevé que celui de comédie ; mais pour répondre aucunement à la dignité des personnes dont celui-là représente les actions, je me suis hasardé d’y ajouter l’épithète d’héroïque, pour le distinguer d’avec les comédies ordinaires. Cela est sans exemple parmi les anciens ; mais aussi il est sans exemple parmi eux de mettre des rois sur le théâtre sans quelqu’un de ces grands périls. Nous ne devons pas nous attacher si servilement à leur imitation, que nous n’osions essayer quelque chose de nous-mêmes, quand cela ne renverse point les règles de l’art ; ne fût-ce que pour mériter cette louange que donnait Horace aux poètes de son temps :

Nec minimum meruere decus, vestigia groeca

Ausi deserere ;

et n’avoir point de part en ce honteux éloge :

O imitatores, servum pecus !

Ce qui nous sert maintenant d’exemple, dit Tacite, a été autrefois sans exemple, et ce que nous faisons sans exemple en pourra servir un jour.

La comédie diffère donc en cela de la tragédie, que celle-ci veut pour son sujet une action illustre, extraordinaire, sérieuse : celle-là s’arrête à une action commune et enjouée ; celle-ci demande de grands périls pour ses héros : celle-là se contente de l’inquiétude et des déplaisirs de ceux à qui elle donne le premier rang parmi ses