Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 10.djvu/219

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Mais de quel front osé-je ébaucher tant de gloire,
Moi dont le style foible et le vers mal suivi
Ne sauroient même atteindre à ceux qui t’ont servi ?
Souffre-moi toutefois de tâcher à portraire 185
D’un roi tout merveilleux l’incomparable frère[1] :
Sa libéralité pareille à sa valeur ;
À l’espoir du combat ce qu’il sent de chaleur ;
Ce que lui fait oser l’inexorable envie
D’affronter les périls au mépris de sa vie, 190
Lorsque de sa grandeur il peut se démêler,
Et trompe autour de lui tant d’yeux pour y voler.
Les tristes champs de Bruge en rendront témoignage :
Ce fut là que pour suite il n’eut que son courage ;
Il fuyoit tous les siens pour courir sur tes pas, 195
Marcin[2] ; et ta déroute eût signalé son bras,

    Fas canere, aut meritas procerum decurrere laudes,
    Nec magnos modulis æquare jacentibus ausus.
    Nam quid ego egregiam virtutem et digna Philippi
    Cœpta loquar ? Quid prima inter discrimina, lucis
    Contemptorem animum ? Quid apertam in dona, paremque
    Muneribusque armisque manum ? tum si qua vocarent
    Prælia, si qua sonum procul auribus æra dedissent,
    Quam stare indocilis, quam se subducere tardis
    Callidus agminibus sociorum, avidusque negata
    Protinus effræno tentare pericula cursu ?
    Talis in effusas Brugensi limite turmas
    Infestum per iter sese incomitatus agebat,
    Victrici impatiens sibi tempora cingere lauro ;
    Cinxissetque adeo, tantæ nisi cladis honorem
    Victoremque tibi tantum, Marcine, negassent,

  1. Philippe d’Orléans, chef de la seconde maison d’Orléans-Bourbon, frère unique de Louis XIV, né en 1640 à Saint-Germain-en-Laye, mort en 1701.
  2. Le comte de Marsin et le prince de Ligne, qui venaient au secours de Lille, furent battus par Créquy et Bellefonds.