Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 10.djvu/251

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Otez Pomone et Flore, adieu les jardinages ; 50
Des roses et des lis le plus superbe éclat[1],
Sans la fable, en nos vers, n’aura rien que de plat.
Qu’on y peigne en savant une plante nourrie
Des impures vapeurs d’une terre pourrie,
Le portrait plaira-t-il, s’il n’a pour agrément 55
Les larmes d’une amante ou le sang d’un amant ?
Qu’aura de beau la guerre, à moins qu’on y crayonne
Ici le char de Mars, là celui de Bellone ;
Que la Victoire vole, et que les grands exploits
Soient portés en tous lieux par la Nymphe à cent voix ? 60
Qu’ont la terre et la mer, si l’on n’ose décrire
Ce qu’il faut de tritons à pousser un navire,
Cet empire qu’Éole a sur les tourbillons,
Bacchus sur les coteaux, Cérès sur les sillons ?

    Dum Bellona furens impia bella movet.
    Si decora hæc tollas, sine vi, sine pondere carmen
    Lectori fesso tædia mille feret.
    Quid memorem flores ? Si numina floribus absunt,
    Cur pallent violæ, cur, hyacinthe, rubes ?
    Cur sibi cognatos anemone deperit Euros ?
    Unde color calthis, et color unde rosis ?
    Non his terra putris det floribus unde rubescant,
    Sed pueri aut Veneris sanguine tingat Amor.
    Vos sine Pomona nusquam florebitis horti,
    Et mœsti, nisi Pan pascat, abite, greges.
    Sunt hæc magna quidem veterum mysteria vatum,
    Temporibus seris quæ violare nefas.
    Ergo tui, Belevræe, canam si gaudia ruris,
    Alloquar et nymphas silvicolasque deos ;
    Et Charites aderunt, zonis de more solutis,

  1. Var. (édit. in-4o) :
    L’anémone, le lis, la tulipe et l’œillet,
    Sans la fable, en nos vers, n’auront rien que de laid.