Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 10.djvu/281

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Allez, et faites voir à ces flots ennemis
Quels intérêts le ciel en vos mains a remis. » 260
C’étoit assez en dire à de si grands courages :
Des barques et des ponts on hait les avantages ;
On demande, on s’efForce à passer des premiers[1].
Grammont[2] ouvre le fleuve à ces bouillants guerriers ;

    Ite : fugax Batavus inimicaque sentiet unda
    Meque, Deumque ducem. » Nec plura effatus, el ingens
    Lætantum exoritur clamor, primique petentum
    Laudem aditus. Reliquos fortis Grammontius anteit
    Agmen agens equitum, loricatosque maniplos.
    Hunc et Borbonidas referens ab origine reges

  1. Le passage du Rhin eut lieu le 12 juin. — Le récit qu’en fait Boileau dans sa IVe épître adressée au Roi (vers 97-112) a beaucoup de ressemblance avec celui-ci, et l’on y voit figurer la plupart des mêmes noms :
    Ils marchent droit au fleuve, où Louis en personne,
    Déjà prêt à passer, instruit, dispose, ordonne.
    Par son ordre Grammont le premier dans les flots
    S’avance soutenu des regards du héros :
    Son coursier écumant sous un maître intrépide,
    Nage tout orgueilleux de la main qui le guide
    Revel le suit de près : sous ce chef redouté
    Marche des cuirassiers l’escadron indompté.
    Mais déjà devant eux une chaleur guerrière
    Emporte loin du bord le bouillant Lesdiguière,
    Vivonne, Nantouillet, et Coislin, et Salart :
    Chacun d’eux au péril veut la première part.
    Vendôme, que soutient l’orgueil de sa naissance,
    Au même instant dans l’onde impatient s’élance.
    La Salle, Beringhen, Nogent, d’Ambre, Cavois
    Fendent les flots tremblants sous un si noble poids.
  2. Armand de Gramont, comte de Guiche, fils aîné du maréchal de Gramont, lieutenant général du corps d’armée de Monsieur le Prince, né en 1638, mort en 1673. Voyez ci-dessus, p. 264, note 2. Il reçut, dit la Gazette du 22 juin, neuf coups tant dans la main que dans ses habits et son épée. Le comte de Guiche a écrit une relation du passage du Rhin, qui se trouve au tome LVII (p. 105-118) de la 2e série des Mémoires de la collection Petitot.