Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 10.djvu/290

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Votre gauche[1] l’éprouve. Allez, Hollande ingrate, 365
Plaignez-vous d’un malheur où tant de gloire éclate ;
Plaignez-vous à ce prix de recevoir nos fers :
Trois gouttes d’un tel sang valent tout l’univers.
Oui, de votre malheur la gloire est sans seconde,
D’avoir rougi vos champs du premier sang du monde : 370
Les plus heureux climats en vont être jaloux ;
Et quoi que vous perdiez, nous perdons plus que vous.
La Hollande applaudit à ce coup téméraire ;
Le François indigné redouble sa colère ;
Contre elle Knosembourg[2] ne dure qu’une nuit ; 375
Arnheim[3], qui l’ose attendre, en deux jours est réduit ;
Et ce fort merveilleux sous qui l’onde asservie
Arrêta si longtemps toute la Batavie,
Qui de tous ses vaillants onze mois fut l’écueil,

    Hoc vinci decuit pretio, cladisque pudorem
    Eluit hic vestro commixtus sanguine sanguis.
    Non impune tamen, nec erit sine vindice vulnus.
    Crudescunt iræ Francorum, et promptius arces
    Itur in adversas. Vix Knozemburgica noctem,
    Vix lucem geminam Arnhemam ; vix detinet unam
    Ille olim Batavæ scopulus virtutis, et unus
    Undecimum in mensem belli mora, Skinkius agger.

  1. Votre main gauche, læva manus, comme le dit le P. de la Rue. — « Monsieur le Prince, dit le Mercure galant (au tome cité, p. 296), a été blessé au poignet gauche. » — « Un capitaine de cavalerie, nommé Ossembrœk, qui ne s’était point enfui avec les autres, court au prince de Condé, qui montait alors à cheval en sortant de la rivière, et lui appuie son pistolet à la tête. Le prince par un mouvement détourna le coup, qui lui fracassa le poignet. Condé ne reçut jamais que cette blessure dans toutes ses campagnes. » (Voltaire, Siècle de Louis XIV, chapitre x.)
  2. Fort situé sur le Wahal, vis-à-vis de Nimègue ; il fut pris par Turenne le 17 juin.
  3. Ville considérable du duché de Gueldre, prise par Turenne le 14 juin.