[1],
Le combler chaque jour de nouvelles faveurs ;
Notre âme, s’il s’éloigne, est chagrine, abattue[2] ;
Sa mort nous désespère et son change nous tue,
Et de quelque douceur que nos feux soient suivis,
On dispose de nous sans prendre notre avis ;
C’est rarement qu’un père à nos goûts s’accommode,
Et lors juge quels fruits on a de ta méthode.
Pour moi, j’aime un chacun, et sans rien négliger,
Le premier qui m’en conte a de quoi m’engager :
Ainsi tout contribue à ma bonne fortune ;
Tout le monde me plaît, et rien ne m’importune.
De mille que je rends l’un de l’autre jaloux,
Mon cœur n’est à pas un, et se promet à tous[3] ;
Ainsi tous à l’envi s’efforcent à me plaire ;
Tous vivent d’espérance, et briguent leur salaire ;
L’éloignement d’aucun ne sauroit m’affliger,
Mille encore présents m’empêchent d’y songer.
Je n’en crains point la mort, je n’en crains point le change ;
Un monde m’en console aussitôt ou m’en venge[4].
Le moyen que de tant et de si différents
Quelqu’un n’ait assez d’heur pour plaire à mes parents ?
Et si quelque inconnu m’obtient d’eux pour maîtresse[5],
Ne crois pas que j’en tombe en profonde tristesse :
- ↑ Var. Et de peur que le temps ne lâche ses ferveurs. (1637)
- ↑ Var. Notre âme, s’il s’éloigne, est de deuil abattue. (1637-57)
- ↑ Var. Mon cœur n’est à pas un en se donnant à tous ;
Pas un d’eux ne me traite avecque tyrannie,
Et mon humeur égale à mon gré les manie :
Je ne fais pas à un tenir lieu de mignon,
Et c’est à qui l’aura dessus son compagnon.
Ainsi tous à l’envie s’efforcent de me plaire (a). (1637-57)
(a) Les éditions de 1637-48 donnent : à me plaire, comme l’édition de 1682.
- ↑ Les éditions de 1644, de 1652 et de 1657 portent, par erreur sans doute, on m’en venge.
- ↑ Var. Et si leur choix fantasque un inconnu m’allie,
Ne crois pas que pourtant j’entre en mélancolie. (1635)