Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/109

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heures[1] presse trop les incidents de cette pièce. La mort du Comte et l’arrivée des Maures s’y pouvoient entresuivre d’aussi près qu’elles font, parce que cette arrivée est une surprise qui n’a point de communication, ni de mesures à prendre avec le reste ; mais il n’en va pas ainsi du combat de don Sanche, dont le Roi étoit le maître, et pouvoit lui choisir un autre temps que deux heures après la fuite des Maures. Leur défaite avoit assez fatigué Rodrigue toute la nuit, pour mériter deux ou trois jours de repos, et même il y avoit quelque apparence qu’il n’en étoit pas échappé sans blessures, quoique je n’en aye rien dit, parce qu’elles n’auroienl fait que nuire à la conclusion de l’action.

Cette même règle presse aussi trop Chimène de demander justice au Roi la seconde fois. Elle l’avoit fait le soir d’auparavant, et n’avoit aucun sujet d’y retourner le lendemain matin pour en importuner le Roi, dont elle n’avoit encore aucun lieu de se plaindre, puisqu’elle ne pouvoit encore dire qu’il lui eût manqué de promesse. Le roman lui auroit donné sept ou huit jours de patience avant que de l’en presser de nouveau ; mais les vingt et quatre heures ne l’ont pas permis[2] : c’est l’incommodité de la règle.

Passons à celle de l’unité de lieu, qui ne m’a pas donné moins de gêne en cette pièce. Je l’ai placé dans Séville, bien que don Fernaud n’en aye jamais été le maître ; et j’ai été obligé à cette falsification, pour former quelque vraisemblance à la descente des Maures, dont l’armée ne pouvoit venir si vite par terre que par eau. Je ne voudrois pas assurer toutefois que le flux de la mer monte

  1. Var. (édit. de 1660) : que la règle des vingt-quatre heures.
  2. Var. (édit. de 1660) : mais les vingt-quatre heures ne l’ont pas permis.