Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/127

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Don Diègue.

Pour s’instruire d’exemple, en dépit de l’envie,
Il lira seulement l’histoire de ma vie.
Là, dans un long tissu de belles actions[1],
Il verra comme il faut dompter des nations,
Attaquer une place, ordonner une armée[2],
Et sur de grands exploits bâtir sa renommée.

Le Comte.

Les exemples vivants sont d’un autre pouvoir[3] ;
Un prince dans un livre apprend mal son devoir.
Et qu’a fait après tout ce grand nombre d’années,
Que ne puisse égaler une de mes journées ?
Si vous fûtes vaillant, je le suis aujourd’hui,
Et ce bras du royaume est le plus ferme appui.
Grenade et l’Aragon tremblent quand ce fer brille ;
Mon nom sert de rempart à toute la Castille :
Sans moi, vous passeriez bientôt sous d’autres lois,
Et vous auriez bientôt vos ennemis pour rois[4].
Chaque jour, chaque instant, pour rehausser ma gloire,
Met lauriers sur lauriers, victoire sur victoire.
Le Prince à mes côtés feroit dans les combats
L’essai de son courage à l’ombre de mon bras ;
Il apprendroit à vaincre en me regardant faire ;

  1. Var. Là, dans un long tissu des belles actions. (1639 et 44 in-4o)
  2. Var. Attaquer une place et ranger une armée. (1660-64)
  3. Var. Les exemples vivants ont bien plus de pouvoir. (1637-56)
  4. Var. Et si vous ne m’aviez, vous n’auriez plus de rois.
    Chaque jour, chaque instant entasse pour ma gloire
    Laurier dessus laurier, victoire sur victoire (a).
    Le Prince, pour essai de générosité,
    Gagneroit des combats marchant à mon côté ;
    Loin des froides leçons qu’à mon bras on préfère,
    [il apprendroit à vaincre en me regardant faire.]
    don dièg. Vous me parlez en vain de ce que je connoi (b) :
    [Je vous ai vu combattre et commander sous moi.] (1637-56)


    (a) Lauriers dessus lauriers, victoire sur victoire. (1648-56)
    (b) Voyez tome I, p. 421, note 3.