Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/128

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Et pour répondre en hâte à son grand caractère,
Il verroit…

Don Diègue.

Il verroit… Je le sais, vous servez bien le Roi :
Je vous ai vu combattre et commander sous moi.
Quand l’âge dans mes nerfs a fait couler sa glace,
Votre rare valeur a bien rempli ma place ;
Enfin, pour épargner les discours superflus,
Vous êtes aujourd’hui ce qu’autrefois je fus.
Vous voyez toutefois qu’en cette concurrence
Un monarque entre nous met quelque différence[1].

Le Comte.

Ce que je méritois, vous l’avez emporté.

Don Diègue.

Qui l’a gagné sur vous l’avoit mieux mérité.

Le Comte.

Qui peut mieux l’exercer en est bien le plus digne.

Don Diègue.

 En être refusé n’en est pas un bon signe.

Le Comte.

Vous l’avez eu par brigue, étant vieux courtisan.

Don Diègue.

L’éclat de mes hauts faits fut mon seul partisan.

Le Comte.

Parlons-en mieux, le Roi fait honneur à votre âge[2].

Don Diègue.

Le Roi, quand il en fait, le mesure au courage[3].

Le Comte.

Et par là cet honneur n’étoit dû qu’à mon bras.

Don Diègue.

Qui n’a pu l’obtenir ne le méritoit pas.

  1. Var. Un monarque entre nous met de la différence. (1637-56)
  2. Var. Parlons-en mieux, le Roi fait l’honneur à votre âge. (1644 in-4o)
  3. Var. Le Roi, quand il en fait, les mesure au courage. (1648-56)