Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/151

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il trouve en son devoir un peu trop de rigueur,
Et vous obéiroit, s’il avoit moins de cœur.
Commandez que son bras, nourri dans les alarmes,
Répare cette injure à la pointe des armes ;
Il satisfera, Sire ; et vienne qui voudra,
Attendant qu’il l’ait su, voici qui répondra.

Don Fernand.

Vous perdez le respect ; mais je pardonne à l’âge,
Et j’excuse l’ardeur en un jeune courage[1].
EtUn roi dont la prudence a de meilleurs objets
Est meilleur ménager du sang de ses sujets :
Je veille pour les miens, mes soucis les conservent,
Comme le chef a soin des membres qui le servent.
Ainsi votre raison n’est pas raison pour moi :
Vous parlez en soldat ; je dois agir en roi[2] ;
Et quoi qu’on veuille dire, et quoi qu’il ose croire[3],
Le Comte à m’obéir ne peut perdre sa gloire.
D’ailleurs l’affront me touche : il a perdu d’honneur
Celui que de mon fils j’ai fait le gouverneur ;
S’attaquer à mon choix, c’est se prendre à moi-même[4],

  1. Var. Et j’estime l’ardeur en un jeune courage. (1637-56)
  2. Var. Vous parlez en soldat ; je dois régir eu roi. (1638)
  3. Var. Et quoi qu’il faille dire, et quoi qu’il veuille croire. (1637-48)
  4. Var. Et par ce trait hardi d’une insolence extrême,
    Il s’est pris à mon choix, il s’est pris à moi-même.
    C’est moi qu’il satisfait en réparant ce tort.
    N’en parlons plus. Au reste on nous menace fort ;
    Sur un avis reçu je crains une surprise.
    don arias. Les Mores contre vous font-ils quelque entreprise ?
    S’osent-ils préparer à des efforts nouveaux ?
    le roi. Vers la bouche du fleuve on a vu leurs vaisseaux,
    Et vous n’ignorez pas qu’avec fort peu de peine
    Un flux de pleine mer jusqu’ici les amène (a).]
    don arias. Tant de combats perdus leur ont ôté le cœur
    D’attaquer désormais un si puissant vainqueur.
    le roi. N’importe, ils ne sauroient qu’avecque jalousie
    Voir mon sceptre aujourd’hui régir l’Andalousie,