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ACTE III.


Scène première.

DON RODRIGUE, ELVIRE[1].
Elvire.

Rodrigue, qu’as-tu fait ? où viens-tu, misérable ?

Don Rodrigue.

Suivre le triste cours de mon sort déplorable.

Elvire.

Où prends-tu cette audace et ce nouvel orgueil,
De paroître en des lieux que tu remplis de deuil ?
Quoi ? viens-tu jusqu’ici braver l’ombre du Comte ?
Ne l’as-tu pas tué ?

Don Rodrigue.

Ne l’as-tu pas tué ? Sa vie étoit ma honte :
Mon honneur de ma main a voulu cet effort.

Elvire.

Mais chercher ton asile en la maison du mort !
Jamais un meurtrier en fit-il son refuge ?

Don Rodrigue.

Et je n’y viens aussi que m’offrir à mon juge[2].
Ne me regarde plus d’un visage étonné ;
Je cherche le trépas après l’avoir donné.
Mon juge est mon amour, mon juge est ma Chimène :
Je mérite la mort de mériter sa haine,

  1. elvire, don rodrigue. (1638 P.)
  2. Var. Jamais un meurtrier s’offrit-il à son juge ? (1637-56)