Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/175

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Don Diègue.

Ah ! que me dites-vous ? Ce que tu dois savoir.

Don Rodrigue.

Mon honneur offensé sur moi-même se venge ;
Et vous m’osez pousser à la honte du change !
L’infamie est pareille, et suit également
Le guerrier sans courage et le perfide amant.
À ma fidélité ne faites point d’injure ;
Souffrez-moi généreux sans me rendre parjure :
Mes liens sont trop forts pour être ainsi rompus ;
Ma foi m’engage encor si je n’espère plus ;
Et ne pouvant quitter ni posséder Chimène,
Le trépas que je cherche est ma plus douce peine.

Don Diègue.

Il n’est pas temps encor de chercher le trépas :
Ton prince et ton pays ont besoin de ton bras.
La flotte qu’on craignoit, dans ce grand fleuve entrée,
Croit surprendre la ville et piller la contrée[1].
Les Mores vont descendre, et le flux et la nuit
Dans une heure à nos murs les amène[2] sans bruit.
La cour est en désordre, et le peuple en alarmes :
On n’entend que des cris, on ne voit que des larmes.
Dans ce malheur public mon bonheur a permis
Que j’ai trouvé chez moi cinq cents de mes amis,
Qui sachant mon affront, poussés d’un même zèle[3],
Se venoient tous offrir à venger ma querelle[4].
Tu les a prévenus ; mais leurs vaillantes mains
Se tremperont bien mieux au sang des Africains.

  1. Var. Vient surprendre la ville et piller la contrée. (1637-56)
  2. Il y a amène au singulier dans toutes les éditions publiées du vivant de Corneille. Celle de 1692 donne amènent.
  3. Var. Qui sachant mon affront, touchés d’un même zèle. (1660)
  4. Var. Venoient m’offrir leur vie à venger ma querelle.
    (1687-44 in-4o et 48-56)
    VaVar. Venoient m’offrir leur sang à venger ma querelle. (1644 in-12)