Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/179

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Et lorsque mon amour prendra trop de pouvoir[1],
Parlez à mon esprit de mon triste devoir,
Attaquez sans rien craindre une main triomphante.

Elvire.

Modérez ces transports, voici venir l’Infante.


Scène II.

L’INFANTE, CHIMÈNE, LÉONOR, ELVIRE.
L’Infante.

Je ne viens pas ici consoler tes douleurs ;
Je viens plutôt mêler mes soupirs à tes pleurs.

Chimène.

Prenez bien plutôt part à la commune joie,
Et goûtez le bonheur que le ciel vous envoie,
Madame : autre que moi n’a droit de soupirer.
Le péril dont Rodrigue a su nous retirer[2],
Et le salut public que vous rendent ses armes,
À moi seule aujourd’hui souffrent encor les larmes[3] :
Il a sauvé la ville, il a servi son roi ;
Et son bras valeureux n’est funeste qu’à moi.

L’Infante.

Ma Chimène, il est vrai qu’il a fait des merveilles.

Chimène.

Déjà ce bruit fâcheux a frappé mes oreilles ;
Et je l’entends partout publier hautement
Aussi brave guerrier que malheureux amant.

L’Infante.

Qu’a de fâcheux pour toi ce discours populaire ?
Ce jeune Mars qu’il loue a su jadis te plaire :

  1. Var. Et lorsque mon amour prendra plus de pouvoir.
    (1637 in-12 et 44 in-4o)
  2. Var. Le péril dont Rodrigue a su vous retirer. (1637-56)
  3. Var. À moi seule aujourd’hui permet encor les larmes. (1637-56)