Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/202

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Aucun vœu ne m’échappe où j’ose consentir ;
Je ne souhaite rien sans un prompt repentir[1].
À deux rivaux pour moi je fais prendre les armes :
Le plus heureux succès me coûtera des larmes ;
Et quoi qu’en ma faveur en ordonne le sort,
Mon père est sans vengeance, ou mon amant est mort.

Elvire.

D’un et d’autre côté, je vous vois soulagée :
Ou vous avez Rodrigue, ou vous êtes vengée ;
Et quoi que le destin puisse ordonner de vous,
Il soutient votre gloire, et vous donne un époux.

Chimène.

Quoi ! l’objet de ma haine ou de tant de colère[2] !
L’assassin de Rodrigue, ou celui de mon père !
De tous les deux côtés on me donne un mari
Encor tout teint du sang que j’ai le plus chéri ;
De tous les deux côtés mon âme se rebelle :
Je crains plus que la mort la fin de ma querelle.
Allez, vengeance, amour, qui troublez mes esprits,
Vous n’avez point pour moi de douceurs à ce prix ;
Et toi, puissant moteur du destin qui m’outrage,
Termine ce combat sans aucun avantage,
Sans faire aucun des deux ni vaincu ni vainqueur.

Elvire

Ce seroit vous traiter avec trop de rigueur.
Ce combat pour votre âme est un nouveau supplice,
S’il vous laisse obligée à demander justice,
À témoigner toujours ce haut ressentiment,
Et poursuivre toujours la mort de votre amant.
Madame, il vaut bien mieux que sa rare vaillance[3],

  1. Var. Et mes plus doux souhaits sont pleins d’un repentir. (1637-56)
  2. Var. Quoi ! l’objet de ma haine ou bien de ma colère ! (1637-64)
  3. Var. Non, non, il vaut bien mieux que sa rare vaillance,
    ---Lui gagnant un laurier, vous impose silence. (1637-56)