Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/221

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tatal soufflet dans l’intérieur du conseil et en présence de la majesté royale.


.....Conde tirano,
............
la mano en mi padre pusisteis

delante el Rey con furor.


Ce sont les paroles de Rodrigue (empruntées à un vieux romance par l’auteur de la pièce). Corneille dit seulement :


« Ce que n’a pu jamais Aragon ni Grenade,
Ni tous vos ennemis, ni tous mes envieux,

Le Comte en votre cour l’a fait presque à vos yeux[1]. »

C’est une combinaison propre à Corneille d’avoir supposé les deux pères instruits de l’amour de leurs enfants et disposés à le favoriser. Il en a tiré quelques traits remarquables, et le nœud devient par là plus complexe dès le commencement. Quant à la grande donnée du drame, nullement historique en elle-même, cet amour des deux jeunes gens antérieur à la querelle, Castro en a le mérite, mais ne paraît pas en être le premier inventeur. C’est au moins ce que donne à penser un mot du passage cité de Mariana (voyez p. 79), peut-être aussi quelques romances de date peu ancienne relativement, mais pouvant remonter au commencement du dix-septième siècle, époque de cette composition dramatique.

Dans la pièce espagnole la dispute des deux rivaux pour la prééminence a lieu en présence du Roi ; c’est à lui que leurs arguments sont d’abord adressés, et cette circonstance ajoute à l’intérêt. Les vers suivants, non traduits, mais imités, que Corneille met dans la bouche du Comte, peuvent être cités comme un emprunt de plus à Guillem de Castro :


« Joignez à ces vertus celles d’un capitaine :

Montrez-lui comme il faut s’endurcir à la peine, etc.[2]. »


Y quando al Principe enseñe
lo que entre exercicios varios
debe hacer un caballero
en las plazas y en los campos,
podrá para darle exemplo,
como yo mil veces Lago,
hacer un lanza hastillas,

desalentando un caballo ?
  1. Acte II, scène viii, vers 706-708. Dans les premières éditions (1637-56), au lieu de le Comte, on lit au dernier vers : l’Orgueil, souvenir du surnom de Lozano qu’avait le comte de Gormas.
  2. Acte I, scène iii, vers 177 et suivants.