Enfin il entend le galop d’un cheval, voit le cavalier mettre pied à terre, et Rodrigue parait.
Ici nous devons une justice au poëte espagnol. Chacun sait combien sont véhéments et nobles dans Corneille les transports de don Diègue embrassant son vengeur. (Castro est cité sans doute au bas de la page (voyez ci-dessus, p. 205 et 206) ; mais l’ensemble de sa tirade est d’une vigueur et d’une éloquence qui méritent qu’elle soit transcrite autrement que par fragments numérotés :
Hijo ! — Padre ! — Es posible que me hallo
entre tus brazos ?… Hijo !… Aliento tomo
para en tus alabanzas empleallo.
Como tardaste tanto ?… pues de plomo
te puso mi deseo… y pues veniste
no he de cansarte preguntando el como.
Bravamente probaste ! Bien lo hiciste !
bien mis pasados brios imitaste,
bien me pagaste el ser que me debiste !
Toca las blancas canas que me honraste ;
llega la tierna boca á la mexilla
donde la mancha de mi honor quitaste !
Soberbia el alma á tu valor se humilla,
come conservador de la nobleza
que ha honrado tantos Reyes en Castilla.
rodrigo.
Dame la mano, y alza la cabeza,
á quien como la causa se atribuya
si hay en mi algun valor y fortaleza.
don diego.
Con mas razon besára yo la tuya,
pues si yo te di el ser naturalmente
On peut parler de l’éloquence espagnole, surtout quand c’est un élan vif et direct qui l’entraîne ; mais en pareil cas sa diction, qui n’est pas étudiée, dégénère facilement en négligences et en tours vulgaires. C’est ce qu’on pourrait observer dans le reste de cette scène, d’un très-bel effet d’ailleurs.
- ↑ « Je t’ai donné la vie par l’entremise de la nature : toi, tu me l’as rendue par sa seule vaillance (de ta main). » Cela est beau, mais quel éclat incomparable dans ces mots :
« Porte, porte plus haut le fruit de ta victoire :
Je t’ai donné la vie, et tu me rends ma gloire* ! »
* Acte III, scène vi, vers 1053 et 1054.