Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/25

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tion de Lemazurier, qui prétend que ce fut Montfleury qui joua d’original dans le Cid : elle repose uniquement sur un texte de Chapuzeau mal interprété[1].

L’attaque d’apoplexie qui frappa Mondory pendant la représentation de la Marianne de Tristan[2] l’empêcha bientôt de jouer Rodrigue. On ignore par qui il fut remplacé ; mais, en 1663, Beauchâteau remplissait ce rôle à l’hôtel de Bourgogne, car, dans la première scène de l’Impromptu de Versailles, Molière parodie le ton dont ce comédien débitait les stances du Cid. La troupe de Molière représentait aussi de

  1. Voici le passage textuel de la Galerie historique des acteurs du théâtre françois… par P. D. Lemazurier… 1810, tome I, p. 424 et 425. Le rôle rempli par Montfleury suivant l’auteur n’y est pas désigné mais il est bien probable qu’il entend parler de celui de Rodrigue : « Il joua d’original dans le Cid et dans les Horaces ; Chapuzeau, qui nous indique ces faits, le cite comme un comédien parfait dès ce temps-là. Voici ses propres termes, livre III de son Théâtre françois, p. 177 et 178. » Cet extrait que nous reproduisons en le prolongeant jusqu’à la p. 179, où il est encore question de Corneille, n’a nullement, comme on va le voir, le sens que lui donne Lemazurier. De plus, Chapuzeau lui-même se trompe lorsqu’il prétend que Corneille n’a pas donné ses premières pièces à Mondory. « Cet établissement des comédiens (à l’hôtel de Bourgogne) se fit il y a plus d’un siècle sur la fin du règne de François Ier, mais ils ne commencèrent à entrer en réputation que sous celui de Louis XIII, lorsque le grand cardinal de Richelieu, protecteur des Muses, témoigna qu’il aimoit la comédie, et qu’un Pierre Corneille mit ses vers pompeux et tendres dans la bouche d’un Montfleury et d’un Bellerose, qui étoient des comédiens achevés. Le Cid, dont le mérite s’attira de si nobles ennemis, et les Horaces, que le même Cid eut plus à craindre, parce que leur gloire alla plus loin que la sienne, furent les deux premiers ouvrages de ce grand homme qui firent grand bruit ; et il a soutenu le théâtre jusques à cette heure de la même force. La troupe royale, prenant cœur aux grands applaudissements qui accompagnoient la représentation de ces admirables pièces, se fortifioit de jour en jour ; d’autant plus qu’une autre troupe du Roi, qui residoit au Marais, et où un Mondory, excellent comédien, attiroit le monde, faisoit tous ses efforts pour acquérir de la réputation, et il arriva que Corneille, quelque temps après, lui donna de ses ouvrages. »
  2. Voyez tome I, p. 49, note 2.