Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/262

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proximative : « Pour le combat des Horaces, dit-il, ce ne sera pas sitôt que vous le verrez, pource qu’il n’a encore été représenté qu’une fois devant Son Éminence, et que, devant que d’être publié, il faut qu’il serve six mois de gagne-pain aux comédiens. Telles sont les conventions des poëtes mercenaires, et tel est le destin des pièces vénales ; mais vous le verrez assez à temps[1]. »

Pour bien entendre ceci et se rendre compte de l’injustice des accusations de Chapelain, il faut savoir que Corneille ne pouvait conserver quelques mois ses droits d’auteur sur un ouvrage qu’en en retardant l’impression. « L’usage observé de tout temps entre tous les comédiens françois, étoit de n’entreprendre point de jouer, au préjudice d’une troupe, les pièces dont elle étoit en possession, et qu’elle avoit mises au théâtre, à ses frais particuliers, pour en retirer les premiers avantages, jusqu’à ce qu’elles fussent rendues publiques par l’impression[2]. »

Chapelain, par malheur, ne donne pas de détails à Balzac sur les premières représentations, et ne lui nomme aucun des acteurs chargés des principaux rôles. Nous trouvons bien dans l’édition de M. Lefèvre les indications suivantes : le vieil Horace, Baron père ; Horace, Montfleury ; Curiace, Bellerose ; Sabine, Mlle de Villiers ; Camille, Mlle Beaupré ; mais, comme d’ordinaire, elles ne reposent sur aucun document sérieux.

Lemazurier avance, il est vrai, que Montfleury a joué d’original dans Horace, mais sa seule autorité est un passage de Chapuzeau que nous avons eu occasion de citer dans la Notice du Cid[3], et qui ne se prête nullement aux conséquences qu’on en veut tirer.

Tout ce qui concerne les autres acteurs est de pure invention.

Bien plus, aucun témoignage remontant à l’époque même des premières représentations ne nous apprend où Horace a été joué d’abord. Seulement, comme nous savons d’une part

  1. Recueil manuscrit de lettres de Chapelain appartenant à M. Sainte-Beuve, cité par M. J. Taschereau, Histoire de la vie et des ouvrages de P. Corneille, p. 95.
  2. Histoire du Théàtre françois, tome IX, p. 105.
  3. Voyez ci-dessus, p, 13 et la note i.