Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/272

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maîtres, et dont les deux plus honnêtes gens de leur siècle, Scipion et Lælie, ont autrefois protesté de se contenter[1] vous nous avez donné celui de vous plaire et de vous divertir ; et qu’ainsi nous ne rendons pas un petit service à l’État, puisque contribuant à vos divertissements, nous contribuons à l’entretien d’une santé qui lui est si précieuse et si nécessaire. Vous nous en avez facilité les connoissances, puisque nous n’avons plus besoin d’autre étude pour les acquérir que d’attacher nos yeux sur V. É., quand elle honore de sa présence et de son attention le récit de nos poëmes. C’est là que lisant sur son visage ce qui lui plaît et ce qui ne lui plaît pas, nous nous instruisons avec certitude de ce qui est bon et de ce qui est mauvais, et tirons des règles infaillibles de ce qu’il faut suivre et de ce qu’il faut éviter ; c’est là que j’ai souvent appris en deux heures ce que mes livres n’eussent pu m’apprendre en dix ans ; c’est là que j’ai puisé ce qui m’a valu l’applaudissement du public ; et c’est là qu’avec votre faveur j’espère puiser assez pour être un jour une œuvre digne de vos mains. Ne trouvez donc pas mauvais, Monseigneur, que pour vous remercier de ce que j’ai de réputation, dont je vous suis entièrement redevable, j’emprunte quatre vers d’un autre Horace que celui que je vous

  1. On sait que Scipion et Lélius passaient pour les collaborateurs de Térence, et même, aux yeux de quelques-uns, pour les auteurs de ses comédies. Voilà pourquoi Corneille leur prête ici ce que dit Térence lui-même, au commencement du prologue de l’Andrienne :

    Poeta quum primum animum ad scribendum appulit,
    Id sibi negoti credidit solum dari,
    Populo ut placerent quas fecisset fabulas.


    « Lorsque notre poëte se décida à écrire, il crut que sa seule tâche serait de faire que ses pièces plussent au peuple. » — Voyez encore les vers 15 à 19 du prologue des Adelphes,